
Nasser Abou Sharif, représentant du Mouvement du Jihad islamique en Iran, a accordé un entretien à l’agence IQNA pour clarifier la position du mouvement face à cette trêve et au projet américain.
Il y rejette toute idée de « désarmement » imposé, qu’il considère comme une manière détournée de maintenir le siège de Gaza sous une nouvelle forme.
Abou Sharif met en garde contre un « cessez-le-feu administratif » dénué de garanties et insiste sur la nécessité d’un processus fondé sur la justice, la fin de l’occupation et la reconstruction sans conditions politiques.
IQNA-Les pays arabes peuvent-ils faire confiance au plan de paix américain ?
Nasser Abou Sharif, la proposition de Donald Trump ne constitue pas un véritable plan de paix, mais une gestion temporaire de crise. Elle repose sur une trêve limitée, l’échange de prisonniers et une aide humanitaire restreinte, sans mécanismes contraignants pour garantir son application.
Le représentant palestinien souligne que les signatures de Charm el-Cheikh n’ont pas la valeur d’un accord international : il s’agit de simples ententes politiques soutenues par des médiateurs — Washington, Le Caire, Doha et Ankara.
Ainsi, les pays arabes qui misent sur l’intervention américaine s’illusionnent, car les États-Unis n’agissent pas en médiateurs neutres, mais en défenseurs des intérêts israéliens.
Le texte signé ne traite ni du blocus de Gaza, ni du retrait total des forces d’occupation, ni de la reconstruction libre de toute ingérence. Sans ces garanties, la trêve ne sera qu’une pause tactique. Abou Sharif insiste : « Ce que nous voyons n’est pas une paix durable, mais un calme géré dans le cadre de l’occupation. »
Le désarmement du Hamas peut-il devenir un obstacle majeur à la mise en œuvre de l’accord ?
Pour le représentant du Jihad islamique, la question du désarmement est au cœur du problème. Il la décrit comme une condition « destructrice » si elle est imposée sans règlement politique équitable. En réalité, explique-t-il, le désarmement signifierait transformer la trêve en une nouvelle forme de siège, maintenant la population palestinienne sous contrôle militaire et économique.
Abou Sharif dénonce la duplicité d’Israël, qui, tout en parlant de paix, bombarde à nouveau Gaza sous prétexte de “sécurisation” et freine la mise en œuvre des échanges de prisonniers. Il note que dès les premières heures, Tel-Aviv a violé les clauses de l’accord en réduisant les convois humanitaires et en menaçant de reprendre les attaques.
Le dirigeant palestinien avertit : « Aucune discussion sur la sécurité ne peut précéder le droit à la vie, à la liberté et à la reconstruction. » Il appelle à la création de mécanismes internationaux de surveillance neutres pour empêcher Israël de manipuler le cessez-le-feu selon ses intérêts politiques internes.
Washington peut-elle garantir l’application réelle de l’accord ?
Nasser Abou Sharif doute profondément de la capacité — ou de la volonté — des États-Unis à faire respecter le plan. Il cite deux obstacles majeurs :
La fragmentation politique en Israël, où chaque décision liée à Gaza est exploitée pour des calculs internes ;
L’absence de mécanismes exécutifs contraignants dans le plan américain.
Sans outils de pression, comme la suspension de l’aide militaire américaine en cas de violation, ou l’instauration d’un calendrier précis pour le retrait israélien, le texte n’aura aucune portée réelle.
Le représentant palestinien estime qu’un accord durable nécessite une reconstruction encadrée par le droit international, la levée complète du blocus et la création d’un corridor financier transparent.
Pour lui, le rôle de Trump reste purement tactique : un geste médiatique pour des raisons électorales, sans fondement juridique solide. Seule une unité palestinienne renforcée et un soutien régional cohérent peuvent créer un contrepoids face à l’impunité israélienne.
Après le cessez-le-feu, la résistance palestinienne doit-elle cesser ?
« Non », répond catégoriquement Abou Sharif. Pour lui, la résistance ne disparaît pas avec la fin des hostilités militaires ; elle change de forme et s’étend à d’autres domaines. Il identifie cinq fronts complémentaires :
Le front juridique : documenter minutieusement les crimes de guerre, poursuivre les responsables devant la Cour pénale internationale et garantir que la reconstruction ne soit pas instrumentalisée.
Le front politique : unir les forces palestiniennes autour d’un programme minimal — fin de l’occupation, levée du blocus, échange des prisonniers et droit à l’autodétermination.
Le front médiatique : construire un récit authentique sur la souffrance de Gaza et nommer les réalités par leur vrai nom : occupation, siège, famine.
Le front moral : défendre l’intégrité des moyens employés, protéger les civils, assurer la transparence dans l’aide humanitaire et montrer que la résistance repose sur la dignité humaine.
Le front vital : garantir le droit de vivre avec dignité — en restaurant l’eau, l’électricité, la santé et l’éducation.
Abou Sharif conclut que la véritable victoire n’est pas militaire : elle réside dans la persévérance, la reconstruction et la conscience collective. « Nous ne briserons pas l’arme qui a protégé notre dignité », affirme-t-il. Il appelle à transformer la lutte en un mouvement de justice, de vérité et de vie, où chaque pierre relevée à Gaza devient un signe de renaissance.